Le Changement de Sexe de Corinne

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L'Hôpital Aikchol : Le 4ème jour suivant l'opération

Dimanche 5 septembre. Ce matin, on a enlevé une partie des pansements entourant ma chatte toute neuve. Je ne peux pas encore en voir grand chose mais elle n'a pas du tout l'air sanguinolante comme on aurait pu le prévoir. Je commence à en avoir vraiment ras le bol d'être au lit et j'ai mal au dos.
Nous causons, nous regardons la télé (aussi bien les nouvelles de la BBC que le canal d'histoire naturelle qui est malheureusement en thaï !). Je lis mon livre et quelques magazines et j'attends avec impatience demain, que je puisse me lever et prendre une douche. Anny a déjà une facture de téléphone de presque 800€ ! Ce n'est pas étonnant, tant elle passe de temps sur son mobile. Je lui disais à quel point j'étais déçue que personne ne m'ait appelée ni ne m'ait envoyé des fleurs quand ma petite sœur Sophie a appelé pour demander comment allait sa grande sœur ! J'en ai été super heureuse.
Au bureau, ils n'ont pas pris la peine de m'appeler, ce qui je pense est une marque de dédain. Je me suis également fait la réflexion que, si mon ex-épouse avait subi une opération importante, loin de la maison et toute seule, je lui aurais envoyé des fleurs en dépit du divorce. Je ressens l'absence de ma petite fille et le total manque de contact avec elle. Je me sens un peu seule et abandonnée.

Les pansements sont enlevés !

Lundi 6 septembre. Aujourd'hui, tous les pansements externes ont été enlevés de ma chatte par Wannee, et une partie des internes par le Dr. Suporn. Aucune douleur, dieu merci. J'avais été très effrayée en lisant sur Internet que cette étape peut être atrocement douloureuse. Le Dr. Suporn fait soigneusement attention. Puis, avec un miroir, je jette un premier coup d'œil ! Cela a l'air tout à fait correct (je n'ai aucune idée de ce que cela peut être juste 5 jours après avoir été charcutée, mais c'est vrai). J'ai même des sensations au clitoris. Le docteur m'a dit que cela cicatrisait bien et que c'était sec. Et puis… que je pouvais prendre une douche chaude avec l'aide d'une infirmière, assise sur une chaise avec une chambre à air. Quel plaisir ! Alors elle a appliqué la betadine et je me suis assise un moment à la table, non étourdie mais avec les jambes molles.
On a découvert les seins d'Anny, totalement enchantée du résultat. Elle a un hématome que je n'ai pas. On me permet maintenant de manger à nouveau de la nourriture thaï, qui est infiniment meilleure que la pâtée sur le menu européen. C'est curieux d'être dans un environnement totalement féminin et de ne pas se sentir gênée d'être toute nue devant les infirmières. Je suis une femme et je n'ai absolument pas honte. Toujours aucune douleur du côté du bas, mais le massage des tétons n'est pas agréable, juste supportable. Je me suis manucuré les ongles à la française, ce dont les infirmières se sont bien amusées. Elles ne peuvent pas croire la longueur de mes ongles !
J'ai dormi comme une souche.

J'ai le droit de me lever mais suis confinée à la chambre

Il n'y a aucune photo pendant cette période, j'étais trop moche ! J'ai pris une douche toute seule. Anny a été débarrassée de son pansement externe, un peu déçue par sa chatte car les lèvres sont moitié plus courtes qu'elles ne devraient être - sans doute à cause du manque de tissus disponibles.
Ma grande soeur Zaza m'a téléphoné de Californie, ce fut vraiment gentil. J'ai passé la journée à écrire mon journal intime, éditant mes photos de Bangkok et errant autour de la salle traînant ma poche d'urine derrière moi, avec des gouttes d'urine sanglante sur mes jambes de temps en temps.
J'aimerais me maquiller pour me sentir normale mais ce n'est pas la peine. Anny mange une énorme quantité de bouffe dégueulasse - hamburgers de MacDo, gâteau, coca-cola etc. Je lui ai dit qu'elle devrait faire attention mais cela l'agace ! Je n'ai toujours pas très faim mais j'ai plaisir à grignoter la nourriture et le riz thaïs. Il fait froid dans la chambre parce qu'Anny a besoin de la clim en permanence, alors que je préférerais la couper et garder la fenêtre ouverte dans la journée. Mais il y a remarquablement peu de frictions entre nous.
Les personnels de la clinique nous rendent visite régulièrement, toujours très souriants. Ma favorite est Panita qui est venue pour masser mes seins. Elle est si mignonne que je pourrais tomber amoureuse d'elle.
Aucune visite des autres transsexuelles du 8ème étage, c'est curieux ! Finalement, il y a des signes que mes forces reviennent, et le Dr. Suporn et Wannee sont d'avis que mon corps se répare rapidement (comme ce fut en effet le cas pour ma FFS). Les personnels de l'hôpital sont tous très doux, bien que leur anglais soit pratiquement inexistant. Mais ils sont tous souriants et dévoués. Je me demande comment va ma petite. De mon lit, je peux voir la mer, quelques maisons chics et la ville très ordinaire. Je m'attends à un gros orage pour cette nuit. C'est le début de la mousson ainsi nous devrions en avoir bientôt.
Je voudrais vraiment pouvoir lire mes E-mails mais le modem de mon ordinateur est naze et je n'ai pas encore le droit d'aller en bas où il y a une salle Internet.
Toujours aucune nouvelle de quiconque de mon travail. Ni de mon père. Je me sens plutôt abandonnée et je voudrais recevoir quelques fleurs ou appels de téléphone. Anny reçoit les deux. Hé bien tant pis.

La première dilatation

Mercredi 8 septembre. Aujourd'hui, je devrais normalement sortir de l'hôpital pour retourner à l'hôtel Mercure mais je préfère rester jusqu'à ce qu'Anny soit examinée vendredi, au cas où elle aurait besoin de moi comme interprète. C'est une journée d'émotions et de stress considérables pour moi : le Dr. Suporn a enlevé ce qui a ressemblé à plusieurs mètres de pansements de l'intérieur de mon vagin, tout sanglants et horribles. Beaucoup de filles ont dit que c'était le moment le plus douloureux de leur SRS mais honnêtement je n'ai rien senti ! Mon vagin a été rincé plusieurs fois avec une grande seringue pleine d'eau puis à la bétadine. Il a été satisfait des résultats, et moi aussi. La sonde urinaire est également sortie sans douleur, puis il m'a introduit un dilatateur d'aspect monstrueux, encore sans douleur, et il m'a informée que ma profondeur était de 7 1/4 pouces (19cm). Il a pris quelques photos avec une règle pour le prouver. J'étais censée rester là pendant 2 heures, mais j'ai senti un besoin croissant de faire pipi, ainsi j'ai dû appeler l'infirmière pour l'enlever après 1 heure 40 minutes, je me suis précipitée aux WC et je suis parvenue réellement à faire pipi, même si c'était juste un filet ! Une autre étape importante passée. Tout semble être réglé comme une horloge et mon ange gardien doit faire des heures supplémentaires !
Anny a pris sa première douche avec beaucoup de plaisir mais a été effarée par la quantité de cheveux qu'elle a perdus à cause de leur enchevêtrement. Elle a été complètement KO puis elle a dormi. Je crains que mes tétons ne soient trop gros mais j'attends pour en juger qu'ils soient moins enflés. Je suis maintenant délivrée de la perfusion et du cathéter urinaire et libre pour me déplacer alentour, ce qui est un grand, grand soulagement.
Demain, je pense que tout le changement de sexe me frappera une fois que je pourrai me maquiller et avoir à nouveau l'air un peu plus féminine. Je suis inquiète pour Anny de ce qu'elle semble avoir considérablement grossi pendant sa semaine au lit. J'ai perdu du poids mais je suis ballonnée et j'espère que le laxatif qu'ils m'ont donné au déjeuner va régler ça.
J'ai réussi un deuxième pipi, à mon grand plaisir, mais c'est toujours seulement un filet lent et il est difficile de vider la vessie. Le troisième pipi était semblable alors j'ai réinséré le dilatateur et Wannee a réalisé que ma vessie n'avait pas été vidée parce qu'après une heure j'ai eu l'impression d' éclater. Elle a téléphoné au médecin et a réinséré le cathéter, j'ai vidangé 900 cc. d'urine immédiatement. Quel soulagement ! J'ai dormi pendant le reste de la dilatation, et j'ai été réveillée par un appel sur le mobile d'Anny de Janna, qui s'est annoncée elle-même à Anny comme "la maman-collègue de Corinne" ! C'était gentil de sa part. Elle s'intéressait beaucoup à mon bien-être et me dit qu'ils avaient reçu le message que j'avais envoyé par l'intermédiaire de la soeur d'Anny à ma boîte à Genève.
Je suis très fatiguée, et j'ai un peu mal à la chatte. J'ai écrit des cartes postales à ma fille, à mon père et à quelques amis ainsi qu'une au bureau. Ma constipation s'est finalement terminée aujourd'hui ! Quand je parlais de perdre du poids !..
Un mot au sujet des dilatations : pour les 6 prochains mois, je serai obligée de passer deux fois 2 heures par jour allongée sur le dos avec un dilatateur en moi pour empêcher mon vagin de se refermer. C'est extrêmement important car la profondeur perdue ne peut jamais être regagnée. Cela allait devenir une épreuve très douloureuse pendant plusieurs semaines et vraiment difficile de continuer à le faire avec mes obligations professionnelles.

Dilatations, douleur et ennui

Jeudi 9 septembre. J'ai eu une une petite sensation de brûlure en un point particulier des petites lèvres qui m'a maintenue éveillée un moment. Le médecin dit que c'est seulement enflé mais je soupçonne que c'est l'extrémité d'une suture qui s'ouvre en moi. J'ai fait une dilatation mais sans pouvoir aller au dernier pouce, ce qui est un peu inquiétant. Je me suis fait mal pour dilater aujourd'hui (jusqu'au point extrême). J'ai alors dû passer une demi-heure à nettoyer la blessure (3 injections d'eau en bouteille puis une d'une solution du betadine à 5%... ce qui fait désordre - je ne sais pas comment je vais faire au bureau), puis application de betadine, suivie de crème antiseptique. Je me suis sentie tout à fait épuisée après ça. J'ai mangé un demi bol de riz cuit à la vapeur, mon appétit s'est évanoui. Toute la nourriture a le même goût.
Le docteur Suporn dit que mes seins contiennent chacun 100 cc. de liquide et qu'il enlèvera ça lundi - qui est une bonne nouvelle parce que j'ai acquis la conviction qu'ils sont beaucoup trop gros. La dilatation fait souffrir, le massage des seins fait souffrir, j'ai mal partout. C'est un cauchemar gynécologique avec douleur, mal-être et urine sanglante gouttant sur mes jambes, souillant le lit et le sol.
Dans la soirée, j'ai trouvé la raison de la douleur dans ma lèvre gauche… le cathéter frotte dessus. Je m'ennuie à l'hôpital mais je n'ai pas d'énergie pour me maquiller et rendre visite aux autres filles. La télé (BBC) ne parle que de désastres, l'un après l'autre : 330 morts dans une attaque de terroristes sur une école de Beslam, Ossétie du sud, Russie, un ouragan sur les Caraïbes, un typhon au Japon, une voiture piégée à Bali devant l'ambassade australienne. Mon optimisme habituel commence à faiblir... comme celui d'Anny.

Départ de l'hôpital

Vendredi 10 septembre. Sortie de l'hôpital. Je me sens totalement épuisée mais je suis néanmoins parvenue à me lever à 7h et à faire mon maquillage avant l'arrivée du médecin. Les infirmières ont semblé sidérées par mon changement de regard et elles ont dit à Wannee de me dire que j'étais belle ! C'est adorable de leur part. On a enlevé à Anny ses bandages internes et son cathéter. Par chance elle a pu faire pipi correctement. On lui a annoncé une profondeur de 7 pouces - 17cm ! Ainsi elle est ravie bien qu'elle n'aime pas l'allure de ses lèvres qui sont trop courtes. J'ai fait la nuit dernière un rêve très étrange : j'étais dans un hôpital en Angleterre, plus précisément à Halton, où je suis née, et je dormais après mon opération. Une fille s'est glissée dans le lit près de moi et j'ai senti que c'était mon ex-épouse. J'ai demandé : "C'est toi ?" et elle a dit : "oui" et elle passa sa jambe gauche au-dessus de moi. J'ai été inondée par une sensation de chaleur et d'amour, j'ai ouvert les yeux et j'ai vu que ma fille était aussi avec nous. Quel beau rêve ! Nous avons quitté l'hôpital à midi sur des fauteuils roulants et Wannee nous a conduites à l'hôtel Mercure. Je suis allée directement au lit et j'ai dormi tandis qu'Anny regardait la télévision. Elle a bien plus de force que moi à l'heure actuelle, bien qu'ayant été opérée deux jours plus tard. J'ai fait ma dilatation à 17h30 puis nous sommes allées, ou plutôt nous avons chancelé, au restaurant japonais. Le directeur, un Français appelé Rémy, est venu nous dire bonjour en nous entendant parler français. Anny est allée fumer dans les WC du rez-de-chaussée tandis que je remontais à notre chambre (429) et je suis tombée sur Helen et son ami qui occupent la chambre d'en face. Helen a eu également de grands problèmes pour uriner mais maintenant cela va bien. J'ai pris une douche et je me suis littéralement effondrée dans mon lit. Nos journées semblent se composer de dilatations, désinfections et sommeil. Mes dilatations sont maintenant si douloureuses que j'en ai développé une crainte presque morbide. Malgré les analgésiques, je pleure littéralement de douleur et j'observe l'horloge faire tic tac lentement jusqu'à la fin des 2 heures.

La solitude commence

Samedi 11 september. Je me suis réveillée pour aller aux WC avec la diarrhée. Puis j'ai mis juste un peu d'eye-liner, pas d'autre maquillage, mon t-shirt mauve, une jupe pourpre à fleurs au genou (que je peux enfin porter sans bosse devant !) et des tongs. Anny dormait encore, je suis allée déjeuner de muesli et café. Je ne m'étais pas sentie aussi tonique depuis l'op. J'ai ensuite passé une heure et demi sur l'Internet et j'ai envoyé un long mail à mes sœurs (qui ne m'avaient pas écrit plus que : " Bon, comment ça va ? ").
Aucune nouvelle du bureau. Que se passe-t-il avec tous ces gens ? Je traverse quelque chose de vraiment éprouvant et personne ne semble s'en soucier. J'ai écrit un long courrier à Janna, lui disant de donner de mes nouvelles à quiconque pourrait être intéressé si elle réussit réellement à trouver quelqu'un qui l'est.
Wannee m'attendait à l'ascenseur (je me demande si elle me soupçonnait de fumer ?) et elle m'a examinée. Nous devons aller à la clinique lundi à 9h. C'est appelé à être une épreuve désagréable, avec le liquide à éliminer de mes seins, et peut-être des fils à enlever de ma chatte. Avec bien sûr l'incertitude de pouvoir faire pipi sans cathéter. Nous avons dilaté, le service d'étage alors appelé pour le déjeuner. J'ai mangé une salade fraîche tandis qu'Annie mangeait un cheeseburger et des frites, laissant la salade ! Cela me retourne l'estomac rien qu'à penser à cette bouffe de merde. Nous avons été toutes deux totalement épuisées après ça et nous avons dormi la majeure partie de l'après-midi. Je me suis levée à 17h avec encore une diarrhée, contente que mes entrailles recommencent à fonctionner.
Puis encore une dilatation. C'est toujours long et épuisant. J'ai essayé d'aller manger au resto, j'ai juste atteint la porte de la chambre et je me suis presque évanouie, je me suis recouchée sans dîner. Je me sens très faible. Anny et moi avons pleuré toutes les deux, nous tenant les mains entre les lits - elle parce que de son ami lui manque, moi parce que je me languis de ma petite fille, de ma chienne Tanya, et même de mon ex-épouse. Nous touchons le fond ?

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