Jeudi 26 août. Je me suis levée à 5h30, tout excitée que le jour soit finalement arrivé. Je me suis habillée en T-shirt beige à manches longues, minijupe et bottines assorties. J'avais laissé hier ma valise au bureau à Genève et j'ai eu l'intention de faire du stop pour y retourner aujourd'hui, histoire d'éviter la nécessité de garer ma voiture là-bas pendant un mois. Malheureusement, il pleuvait des trombes d'eau donc j'ai décidé de prendre le car. J'ai marché jusqu'au Col de Bluffy, par lequel passe la route principale, pour y attendre le car de 7h00 entre La Clusaz (la station de ski la plus proche) et Annecy. C'était l'aube et je portais mon regard à travers la vallée vers mon petit village pittoresque perché sur les pentes des Dents de Lanfon, 1821 mètres.
La cloche de l'église sonna les sept heures, les carillons se répercutant dans le silence de l'aube. Je me demandais avec un pincement de cœur si j'allais revoir mon chez moi mais, en même temps, je m'émerveillais de ce que, quand je rentrerais, je serais une vraie (enfin, presque, quoi) femme.
J'ai pris le car jusqu'à Annecy, en considérant comme excellent présage que le chauffeur d'aujourd'hui était mon voisin ! A 7h30, j'ai pris la correspondance vers Genève et puis, à 9h30, un tram local. Un ouvrier qui était en train de creuser un trou dans la rue me regarda et me dit, en ouvrant les bras, "Madame, vous êtes magnifique !" Puis, pendant que j'attendais le tram, une fille noire a admiré ma jupe et a remarqué que je devais avoir froid. Elle m'a grondée : "Alors cela vous apprendra à bien vérifier la météo avant de quitter la maison !" C'est intéressant comme les gens bavardent facilement avec moi dans la rue. Ça doit être le sourire que j'ai en permanence.
Je suis arrivée au bureau vers 10h30, après un voyage de presque 4 heures ! Oups. J'ai participé à une réunion avec mes collègues mais j'éprouvais de grandes difficultés à me concentrer. On s'est bien marrés de mon départ proche et il y en avait un ou deux qui, inconsciemment, se croisaient les jambes à la pensée de ce qui allait m'arriver ! Je connais mes collègues depuis une dizaine d'années et ils m'ont énormément soutenue pendant les 4 dernières années, depuis que ma crise d'identité s'est faite publique.
J'ai téléphoné deux fois à ma fille de 6 ans pour lui dire que j'allais rentrer dans un peu plus de 3 semaines. Elle me manquera cruellement. Ma copine transsexuelle Anny avait prévu de venir me chercher au bureau vers 16h30. J'avais fait sa connaissance deux ans auparavant, quand elle travaillait dans une société située à un autre étage du même petit immeuble. Quelle coïncidence de trouver deux transsexuelles dans le même immeuble ! Elle avait décidé de se faire opérer en même temps que moi, chez le Dr. Suporn, en profitant du fait que je parle couramment l'anglais, alors qu'elle ne le parlait pas.
Ce fut l'heure de partir ! J'ai dit au revoir à tout le monde. Ils étaient tous très sincères avec leurs vœux et ce fut pour moi un moment plein d'émotion. Le voyage en voiture jusqu'à l'aéroport n'a duré que 10 minutes et le petit copain d'Anny nous y a déposées après pas mal de bisous et de calins. |